Le règlement intérieur d'une entreprise qui prévoit une interdiction absolue de la consommation d'alcool ne peut se justifier qu'au regard de situations exceptionnelles tenant à la nature des fonctions exercées ou de l'activité de l'entreprise.
L'interdiction absolue de l'alcool en entreprise : une situation exceptionnelle
La présence et la consommation d'alcool dans l'entreprise ont toujours été sources de conflits et d'accidents.
Les interdictions et restrictions du Code du travail à ce sujet sont assorties d'une certaine tolérance, l'article R 4228-20 du Code du travail se limitant à stipuler qu' «aucune boisson alcoolisée autre que le vin, la bière, le cidre et le poiré n'est autorisée sur le lieu de travail».
Or, les employeurs ont pour mission de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de leurs salariés et restent liés à une obligation de sécurité de résultat sans cesse réaffirmée par les tribunaux.
Devant les risques que représente la consommation d'alcool dans l'entreprise, les employeurs restent à la recherche de solutions.
Le règlement intérieur qui a pour vocation de fixer les mesures d'application de la règlementation de la santé, de l'hygiène et de la sécurité dans l'entreprise est un outil que nombre d'entre eux utilisent.
Ainsi, malgré la tolérance du Code du travail, certains chefs d'entreprises ont jusqu'alors, via leur règlement intérieur, totalement proscrit toutes les boissons alcoolisées de l'enceinte de l'entreprise.
Positionnement jusqu'alors justifié puisque la Cour de Cassation avait jugé, dans une ancienne décision (Cass. Soc. 3 octobre 1969) qu'elle n'a jamais remise en cause, que les dispositions du Code du travail n'empêchaient pas l'employeur d'interdire toutes les boissons alcoolisées s'il l'estimait opportun.
Le Conseil d'Etat, récemment interrogé à ce sujet, ne partage pas cet avis.
Il s'agissait, en l'espèce, d'une entreprise, fabriquant des engins de chantier dont le règlement intérieur stipulait que «la consommation de boissons alcoolisées est interdite dans l'entreprise, y compris dans les cafétérias, au moment des repas et pendant toute autre manifestation organisée en dehors des repas».
L'interdiction de principe posée par le règlement intérieur a été condamnée, le Conseil d'Etat (CE. 12 novembre 2012) ayant jugé que ces dispositions excédaient, par leur caractère général et absolu, les sujétions que l'employeur est en mesure d'imposer.
Ainsi, une interdiction générale de présence et de consommation d'alcool dans l'entreprise ne peut être posée que dans des circonstances exceptionnelles, et uniquement si des impératifs de sécurité le justifient, notamment une situation particulière de danger et de risque.
Les restrictions doivent rester proportionnées au but de sécurité recherché.
Si désormais, le règlement intérieur peut toujours rester un outil de «lutte» contre les dangers liés à la présence et à la consommation d'alcool dans l'entreprise, une interdiction absolue devra rester exceptionnelle et se justifier au regard des fonctions exercées (personnel en charge de la sécurité des personnes ou des biens, conduite de véhicules) ou de l'activité de l'entreprise (installations ou produits dangereux).
Il est important de veiller à la validité des règlements intérieurs sur ce point.
En effet, l'employeur qui aura encadré la consommation de l'alcool dans son règlement intérieur, conformément aux dispositions légales et jurisprudentielles en vigueur, sera alors à même de sanctionner les salariés qui y contreviennent.
Source :
Eurojuris