Lorsque contrat d'assurance-vie et droit des successions s'intersectent, seul le juge peut sonder la volonté du testateur.
Peut-on léguer une assurance-vie à l'un seul des enfants d'une fratrie? L'arrêt
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L'arrêt de la Cour de cassation dit et juge qu'après avoir relevé que le testament énonce que le défunt déclare léguer le capital du contrat d'assurance-vie à sa fille Catherine et aux deux enfants de celle-ci, c'est par une appréciation souveraine de sa volonté que la cour d'appel a admis que le souscripteur avait entendu inclure ce capital dans sa succession et en gratifier les bénéficiaires désignés.
Dans cette affaire la personne est décédée en laissant trois filles pour lui succéder. Elle a légué, par testament olographe, à une fille et aux deux enfants de celle-ci le capital d'un contrat d'assurance-vie. Les deux autres filles ont assigné les bénéficiaires du testament en liquidation et partage de la communauté et des successions de leurs parents.
C'est par ailleurs en vain qu'est critiquée la décision ayant ordonné le séquestre du capital d'assurance-vie : le souscripteur avait entendu inclure ce capital dans sa succession et en gratifier les bénéficiaires désignés. Le séquestre se justifiait s'il était demandé.
Il résulte de ce qui précède que lorsque la libéralité excède la quotité disponible, le gratifié, successible ou non successible, doit indemniser les héritiers réservataires à concurrence de la portion excessive de la libéralité, quel que soit cet excédent. Le paiement de l'indemnité par l'héritier réservataire se fait en moins prenant et en priorité par voie d'imputation sur ses droits dans la réserve. Le principe et son exception
Assurance-vie et succession sont deux modes de transmission patrimoniale indépendants. Les notaires en particulier savent que le capital assuré ne fait pas partie de la succession du souscripteur, ce que confirmel'art. L. 132-12 du Code des assurances.
En conséquence le bénéficiaire de l'assurance-vie échappe à la règle du rapport et de la réduction en général, ainsi qu'au paiement des droits de mutation par décès (droit de succession).
Mais tout principe a son exception ; ici l'exception c'est que l'auteur, le souscripteur de l'assurance, est en droit de vouloir que le capital assuré soit intégré à sa succession, hypothèse de l'arrêt précité.
Le Code des assurances l'a prévu de façon expresse, avec l'art. L. 132-11 : en l'absence de bénéficiaire désigné, le capital assuré fait partie de la succession du souscripteur. Il en ressort qu'un legs permet d'attribuer le capital à une personne déterminée.
Et les conséquences
Les conséquences civiles de l'arrêt sont dans la décision même et c'est en particulier l'éventuelle réduction à la quotité disponible.
Le fait d'intégrer le contrat d'assurance-vie dans la succession ou d'écarter la dispense de rapport et de réduction doit-il emporter la suppression des avantages fiscaux, à savoir l'exonération des droits de succession ?
Les art. 990 I et 757 B du Code général des impôts (CGI) s'appliquent en présence d'un bénéficiaire de l'assurance (il faut surtout entendre un bénéficiaire désigné aux termes du contrat d'assurance ou d'un avenant subséquent). La déduction est celle de la Cour de cassation : le legs du capital assuré n'est pas la désignation d'un bénéficiaire. Dans ce cas, le capital assuré doit être intégré à l'actif successoral. A contrario, la désignation d'un bénéficiaire, fut-il un héritier, fait entrer la disposition dans le régime fiscal avantageux de l'assurance-vie.
C'est au juge de déterminer la volonté supposée du testateur. Aussi la formule employée dans le testament aura une grande importance, car la désignation du bénéficiaire du capital assuré par cette voie n'a pas l'effet automatique de placer l'opération en dehors du cadre du régime de l'assurance. Il y a lieu de distinguer entre le « Je désigne comme bénéficiaire de mon contrat d'assurance, M ... » et le « Je lègue à M le bénéfice de mon assurance vie ».
Et toujours, si telle est bien sa volonté, le testateur, dans la première hypothèse, a la possibilité d'ajouter qu'il entend que la désignation d'un bénéficiaire est faite avec l'intention d'exclure le capital assuré de sa succession.
source :
Eurojuris