La législation actuelle ne met pas sur un pied d'égalité la situation du père et de la mère qui ne souhaitent pas que leur lien de filiation vis-à -vis de l'enfant soit établi.
Au combat légitime mené par les féministes pour la parité homme-femme dans de nombreux domaines, une longueur d'avance juridique existe toujours en faveur des femmes sur la
possibilité de ne pas se voir établir de lien de filiation à l'égard de l'enfant dont elles ont accouché.
En effet, il apparaà®t que la conception ne résulte pas toujours d'un projet commun ni d'une intention conjointe. Face à cette situation, l'établissement de la filiation pose problème.
Tout d'abord, en cas de volonté unique de la part du futur père de conserver l'enfant, la mère dispose de moyens médicaux et juridiques afin qu'aucune filiation ne soit établie entre elle et le futur enfant. Une fois le délai de douze semaines de grossesse dépassé donnant droit pour toute femme d'interrompre volontairement sa grossesse, le Code Civil permet aux femmes d'accoucher secrètement (sous X). Il en résulte que le lien de filiation maternelle à l'égard de l'enfant n'est pas établi.
A l'inverse, en cas de volonté unique de la part de la future mère de conserver l'enfant, le père a la faculté de ne pas le reconnaà®tre lors de la naissance ,mais il reste soumis à une action en reconnaissance de paternité exercée par l'enfant ou sa mère.
Dans le mariage, l'établissement du lien de filiation paternelle est fixé par la présomption de paternité pesant sur le mari de la mère. Cette dernière est réfragable, le mari pouvant apporter la preuve qu'il n'est pas le père de l'enfant mais cette présomption de paternité ne joue qu'à l'égard des maris (les partenaires pacsés, les concubins et a fortiori l'amant d'un soir n'étant pas soumis au devoir de fidélité).
Néanmoins et hors mariage, en cas d'éléments visant à démontrer des relations intimes entre les deux parents durant la période de conception de l'enfant, le juge peut ordonner une expertise médicale afin d'établir scientifiquement les liens biologiques entre le géniteur supposé et l'enfant.
En cas de résultats concordants, le père biologique ne dispose d'aucun moyen juridique pour contester sa paternité. Certes la vérité biologique est établie, mais la vérité sociologique l'est beaucoup moins voire pas du tout.
En effet, la vérité sociologique correspond à la filiation vécue par l'enfant ou son père au quotidien. Or, la présence du père biologique, qui ne souhaitait pas la conception de l'enfant, est souvent inexistante. Ainsi, l'établissement du lien de filiation paternelle ne traduit pas la situation personnelle de l'enfant et de son père.
Cette situation est-elle protectrice des droits de l'enfant à se voir établir une filiation paternelle de force ?
Et il faut enfin l'affirmer, l
a législation ne met pas sur un pied d'égalité la situation du père et de la mère qui ne souhaitent pas que leur lien de filiation vis-à -vis de l'enfant soit établi. Cette situation inégalitaire doit changer.
Dans une décision intéressante rendue le 21 mars 2007 la Cour d'Appel de Nà®mes a jugé 'qu'en l'état des murs et des moyens de contraception existant dans la société française contemporaine, la conception d'un enfant par un couple marié doit relever d'un choix conjoint et d'un projet commun.''
Cette solution, qui ne vise toutefois que les couples mariés, doit être étendue dans son principe et rejoint le point de vue de cet article, à savoir que
l'établissement du lien de filiation ne doit pas répondre seulement d'une vérité biologique mais également d'une vérité sociologique.C'est le cas pour les mères biologiques disposant des moyens médicaux et juridiques susvisés.
A l'inverse, les pères biologiques se retrouvent dans une impasse juridique.
Il apparaà®t donc opportun de modifier les dispositions du Code Civil afin de préserver l'intérêt de l'enfant et d'établir les mêmes droits entre les père et mère.
Afin de pallier cette inégalité,
la solution pourrait consister en l'instauration d'une fin de non-recevoir en cas d'action en recherche de paternité exercée par la mère de l'enfant lorsque la conception n'a résulté que d'une intention personnelle de celle-ci.La fin de non-recevoir de cette action devra être strictement encadrée et résulter de faits concordants, précis et répétés attestant la désapprobation du projet de conception de la part du père biologique de l'enfant et soumise à l'appréciation souveraine des juges.
La disparité de traitement juridique en matière d'action en établissement de filiation serait ainsi effacée au profit des pères biologiques et aboutirait à un «
projet de couple responsable », souhait des juges du fond, concernant leur projet de conception.
Auteur :
François Dauptain image : © Cello Armstrong - Fotolia.com