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Dans son célèbre arrêt en date du 19 septembre 2009, la Cour de Cassation, se livrant à une interprétation inédite des dispositions de l'article L 411-74 du
Code Rural relatif au
pas de porte, a estimé pouvoir être admis en son principe
qu'un locataire entrant puisse, à l'occasion de la signature du bail, et moyennant une contrepartie financière, se voir céder la clientèle de son prédécesseur.
L'arrêt de
la Cour de Cassation avait même été plus loin, jugeant également
licite l'engagement accessoire souscrit par le cédant de ne pas concurrencer l'activité poursuivie par le preneur, cessionnaire de la clientèle.
Les commentateurs avisés de cette décision avaient vu, à juste titre, une pénétration significative du droit commercial dans le statut du fermage, dont les dispositions, codifiées à l'article L 411-74 du Code Rural, relatives à la prohibition des pas de porte se trouvaient particulièrement affaiblis par cette solution inédite.
La Cour d'appel de ROUEN, saisie sur renvoi de la Cour de Cassation, a de nouveau jugé cette affaire, opposant un locataire et son propriétaire bailleur lui ayant donné à bail, à son départ en retraite, les biens ruraux qu'il avait exploités auparavant dans le cadre d'une activité d'élevage d'oies et de fabrication de foie gras.
Le Juge paritaire avait eu à statuer sur la validité des sommes versées à son entrée dans les lieux par le preneur au propriétaire bailleur.
Etaient évidemment visées comme fondement de cette action, les dispositions de l'article L 411-74 du Code Rural
proscrivant par principe les pas de portes.
On sait maintenant que la Cour de Cassation saisie du dossier, allait valider le principe du versement de telles sommes, nonobstant les dispositions de l'article L 411-74 du Code Rural, dès lors que la cause d'un tel versement était une
cession de clientèle.
La Cour d'appel de ROUEN a donc repris à son compte cette nouvelle solution, analysant le versement des fonds, comme une exécution d'un contrat de cession de clientèle conclu entre les parties au contrat de bail
La Cour a pu déduire cette position des faits de l'espèce, dès lors que le propriétaire bailleur avait bien rapporté la preuve de sa communication à l'égard de ses anciens clients, lesquels attestaient avoir été avisés du changement d'exploitant.
Si cette solution confirme l'application du principe consacré par la Cour de Cassation dans son arrêt du 19 septembre 2009, on peut malgré tout s'étonner, au-delà de l'application de cette nouvelle solution de principe, que le Juge du fond n'ait pas entendu comparer la valeur réelle de la clientèle cédée avec les sommes effectivement versées par le preneur entrant.
Toute différence de valeur de plus de 10% entre les sommes versées et le bien effectivement repris devant être assimilée à un pas de porte prohibé, au sens de l'article L 411-74, il aurait été légitime, avant de valider, en l'espèce, une telle solution, que le Juge du fond opère cette comparaison, peut-être après expertise, afin de déterminer la licéité de l'opération.
Hormis cette critique, on ne peut que saluer l'avènement de cette solution commercialiste appliquée à la matière agricole et au statut du fermage, qui pourra peut-être permettre de redonner un peu de vigueur et de consistance au fonds agricole.
Voir CA ROUEN, 8 septembre 2010 n° 09/05202.
Source :
Eurojuris